Le mois dernier je suis allée à Montamisé, près de Poitiers, à l'occasion des journées de généalogie organisées par le Cercle Généalogique Poitevin (CGP), dont je suis adhérente depuis 2007. C'est l'endroit idéal pour échanger sur des sujets divers, comme sur la méthode de recherche, ou sur une astuce, une base de données qu'on ne connaît pas, ou sur de la terminologie. Ainsi, j'ai pu échanger avec un homme qui adore l'Histoire et qui ne pratique pas la généalogie, mais qui s'intéresse aux travaux des autres. Il contribue à des indexations, mais ne passe pas des heures à explorer d'autres archives que celles qu'il indexe. Il ne connaissait pas le système de numérotation des ascendants ou des descendants, pratiqué par de nombreux généalogistes amateurs pour s'y retrouver dans leur arbre. Je lui ai donc expliqué comment cela fonctionne et il a trouvé ça épatant. De son côté, il a repéré que j'ai un ancêtre pour lequel je pourrais en apprendre davantage. En effet, il l'a trouvé rapidement sur ton téléphone, dans une base que je n'avais pas interrogée...
La base des médaillés de Sainte-Hélène est accessible ici, et nous informe : La médaille de Sainte Hélène, créée par Napoléon III, récompense les 405000 soldats encore vivants en 1857, qui ont combattu aux côtés de Napoléon 1er pendant les guerres de 1792-1815.
Alors on peut déjà regarder parmi tous les hommes de notre arbre, ceux qui ont vécu entre 1792 et 1857, et interroger la base.
Effectivement, parmi mes ancêtres, la base me ressort le nom de François GOUBARD, le grand-père paternel du grand-père paternel de mon grand-paternel !
Bien, et alors ? On nous donne ce relevé d'informations en précisant : "Voici les informations que nous possédons. Il est inutile de nous écrire pour demander des renseignements supplémentaires sur un médaillé"
Sur le même site, on peut visualiser le type de reliques que nous pourrions trouver parmi les affaires d'un ancêtre, qui seraient passées de génération en génération. On y voit la médaille, avers et revers (voir ci-dessous), la boîte qui lui servait d'écrin, l'enveloppe qui contenait le brevet, le récépissé de réception de la médaille, ainsi que quelques exemples de pièces justificatives fournies par les ayants-droit. Mais je fais comment, moi, pour en savoir plus sur mon François ? Il l'a demandée sa médaille ? Ah oui, j'omets de préciser que cette reconnaissance n'est délivrée qu'aux seuls demandeurs. Il fallait donc être en vie en 1857 (année du décret) et justifier de son appartenance à la Grande Armée entre 1792 et 1815.
La Foire aux questions du site nous aiguille pour nos recherches personnelles. On y apprend que si l'ancêtre vivait en France en 1857 (ce que je crois vrai), je pourrais trouver quelques informations aux Archives Départementales notamment la pièce justificative de son appartenance à la Grande Armée. Ah ! Il est précisé qu'aucun dossier n'existe plus, car un incendie a tout anéanti. Plus loin, on peut retrouver selon l'origine du soldat de Napoléon, la cote à interroger aux archives. Le mien était du Maine-et-Loire, alors il me faudrait interroger la cote 1 M 8/31 à 1 M 8/39.
J'ai fureté sur le site internet des AD49, et je me suis rendue à l'évidence, je n'apprendrai rien de plus à partir de mon canapé.
J'ai envoyé une demande par e-mail, afin de vérifier que je pourrais bien y trouver quelque chose. Je ne suis pas en Maine-et-Loire, mais j'y connais du monde, je pourrais économiser un aller-retour pour rien si je me renseignais en amont.
Bingo ! La Directrice des AD49 me répond : "Comme suite à votre demande de renseignement concernant François GOUBARD, ancien soldat de la Grande Armée, je vous confirme que son nom figure sur la liste nominative des personnes en instance de recevoir la médaille de Sainte-Hélène. Cependant, les informations nominatives étant réparties sur plusieurs cotes, il vous appartient de poursuivre cette recherche en venant en salle de lecture du service consulter les dossiers de la sous-série 1 M 8."
L'aller-retour ne devrait pas être vain. J'ai envoyé une bouteille à la mer facebookienne, puisque j'ai, via ce réseau, quelques contacts en Anjou, et d'autres qui ont un réseau :-) On me répond de faire une demande via le forum du CGP, on ne sait jamais.
Au final, deux personnes me proposent leur aide. Une généalogiste chevronnée qui n'est pas disponible tout de suite et une cousine non généalogiste mais qui habite près des AD et qui me propose d'être mon relais. Je remercie la 1ère et mandate la 2nde.
Ce matin, alors que je me demandais encore ce que j'allais publier aujourd'hui, je reçois 3 photos de ma cousine. Elle est déçue de sa visite aux archives, elle aurait voulu trouver plus que ça (elle découvre la frustration de tout généalogiste !).
Elle m'explique : "En réalité il n'est pas conservé de pièces justificatives, seulement les réponses des communes à une demande urgente du préfet de communiquer les anciens militaires vivants ayant servi sous les drapeaux de 1792 à 1815 et leurs états de service. Les titres dont devaient justifier les intéressés ne sont plus au dossier, seulement une liste. Dans de rares cas des communes ont annexé des états de services (récapitulés toutefois dans le document que je te joins) ou un certificat de l'autorité militaire (ministère de la guerre)."
Elle me joint la liste établie par le maire de la commune de Huillé où figure bien François GOUBARD. J'ai aussi la photo de la demande du préfet adressé aux maires, datant du 24/08/1857 demandant la liste citée plus haut avant le 01/09 (!!)
Me voici donc la détentrice de la liste des hommes de Huillé remplissant les conditions selon le maire, en date du 30/08/1857. Je la reproduis ici, peut-être que cela pourrait intéresser quelque chercheur :
BOIGNIER François 75 ans né à Huillé
FRÉMONT Pierre 70 ans, né à Durtal
BROSSARD Pierre 68 ans, né à Huillé
GOUBARD François 69 ans né à Huillé <-- mon aïeul
COUBARD René 67 ans, né à Huillé --- alors lui, je vais chercher à le situer...
SEGUIN Jean 76 ans né à Huillé
ALLORY Jean décédé le 12 mars 1853
COMPÈRE René 73 ans, né à Huillé
En vrai, à ce stade de la recherche, rien ne garantit que François GOUBARD ait reçu un jour sa médaille. Mais je trouve ça tellement passionnant ! Et tant que je ne le sais pas, je me dis que c'est mon chat de Schrödinger !